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Juin 2023 Par Jérôme Lamy, à Paris
La célèbre adresse de Montparnasse est une des dernières véritables brasseries parisiennes. Les talentueux frères Tafanel sont les gardiens du temple.
La Rotonde n’est pas seulement une brasserie. C’est une histoire et un esprit. L’histoire, plutôt le chapitre d’histoires, c’est celle d’une ville, Paris et d’un quartier, Montparnasse, né à l’angle du Boulevard Montparnasse et du Boulevard Raspail, à l’endroit même où La Rotonde régale anonymes et célébrités depuis 1911. En référence à la mythologie grecque, une butte artificielle a été appelée le Mont Parnasse avant qu’un célèbre auvergnat Victor Libion ne baptise un estaminet populaire La Rotonde.
L’anisette et le casse-croûte sont rangés aux oubliettes. Le généreux et affable Libion sait où il met les pieds. Il s’abonne à la presse du monde entier et fait volontiers crédit aux artistes qui fréquentent le quartier. La Rotonde devient une brasserie fréquentée par de riches touristes et des artistes sans le sou. Le pari est gagnant. Les écrivains Cocteau, Fitzgerald, Aragon, Apollinaire et les peintres Modigliani, Picasso ou Chagall ont ainsi offert à l’établissement une renommée internationale qu’elle n’a jamais perdue.
En fêtant sa victoire au premier tour de l’élection présidentielle française en 2017, à La Rotonde, Emmanuel Macron a ouvert une nouvelle page d’histoire. D’autant que le Président de la République est devenu un client discret et régulier. Il a sa table, ses habitudes et un faible pour les fruits de mer. « Quand je suis ici, je suis heureux » nous at-il confié lors d’une de ses dernières visites.
Les patrons, les frères Tafanel, Serge et Gérard, sont aussi radieux. Ils sont là midi et soir, depuis 30 ans. C’est suffisamment rare pour être souligné. Ils ont les codes de la bienveillance. Ceux de l’oncle Georges dont ils ont pris la succession. Serge est pince sans rire. Gérard trimballe sa bonhommie communicative… et ses bouderies. Ils sont inséparables et indispensables. Ils ne se forcent pas. Ils aiment les gens, connus ou inconnus. Ils les accueillent comme de véritables aubergistes de Raulhac où ils sont nés. Dans ce village historique, niché sur les contreforts des volcans du Cantal, ils sont aussi célèbres que le maire Philippe Matière.
Forcément, les frères Tafanel sont dépositaires de l’esprit de La Rotonde. « Nous recevons des amis qui paient » dit joliment Gérérad Tafanel à la tête d’une des dernières brasseries parisiennes au sens noble du terme, à la frontière du bistro et du gastro. En bons gardiens du temple, ils ont n’ont jamais rompu avec le charme suranné d’un décor populaire et chic chaleureux avec ses banquettes en velours rouge, ses boiseries et ses lampes Art Déco.
Ils n’ont jamais renoncé à la qualité du service et de la cuisine où le chef Franck Gonnet affiche son talent depuis le 1er novembre 2000. Second à La Tour d’Argent de Manuel Martinez et chef exécutif du Fouquet’s, Franck Gonnet est en première ligne à La Rotonde. « Sa fidélité est unique » précise Gérard Tafanel. « Il est rigoureux et exigeant avec son équipe et avec les fournisseurs.»
Les viandes et notamment le gigot d’agneau de Lozère sont sélectionnés par Hugo Desnoyer, le boucher des stars. Le pavé de turbot poché, sauce hollandaise, voisine avec le filet de bar de Corse au citron confit et riz sauvage au rayon des plats signatures. Enfin, le millefeuille préparé minute à la vanille de Madagascar met tout le monde d’accord: il est craquant comme la gelée du matin et éblouissant comme les lumières du soir..
Impossible de venir à Paris sans visiter La Rotonde, phare dans l’excellence de l’art de vivre à la française.
