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Mohammed Kazem déjà dans l’Histoire

Mohammed Kazem déjà dans l’Histoire -- Standing International Magazine

Juin 2023 Par Sarra Essouayeni, à Dubaï

Mohammed Kazem, formidable artiste contemporain émirati, a déjà laissé une trace considérable dans l’histoire de l’art.

Impossible de classer Mohammed Kazem, de l’enfermer dans une case, de le réduire à un mouvement artistique. Il travaille avec le même talent la peinture, l’art sonore, les objets trouvés, l’art de la performance ou la photographie. Mohammed Kazem est surtout un phénomène. Celui qui est un des plus grands artistes émiratis contemporains a déjà laissé une empreinte considérable malgré son jeune âge (53 ans) à l’échelle de l’art. « Il est déjà entré dans l’Histoire » confirme Jack Lang, Président de l’Institut du Monde Arabe. « J’essaye seulement de me démarquer des autres, d’être différent » précise Kazem avec humilité.

Né à Dubaï, de l’union d’un papa, chauffeur de taxi, et d’une maman, Badria, femme au foyer, Mohammed étudie la peinture, dès l’adolescence, à l’Emirates Fine Art Society de Sharjah. Artiste conceptuel, il collabore très vite avec son mentor, l’artiste Hassan Sharif. Kazem utilise des vestiges oubliés du quotidien, des drapeaux de construction ou de la gomme à mâcher, pour mesurer les transformations du monde, notamment celle de sa patrie, les Emirats arabes unis. Il n’hésite pas à représenter son propre corps dans des dessins, des performances et des photographies. Depuis ses premiers pas, Kazem crée des représentations visuelles de sons en grattant le papier avec des ciseaux. On citera « Scratches on Paper », une série d’œuvres qui magnifie les mouvements et les sons du passé à l’aide de feuilles de papier à écrire ou de rouleaux de plusieurs mètres de longueur.

Dans sa série « Directions, 2002 », Kazem a imaginé des panneaux de bois sur lesquels sont inscrites avec des coordonnées GPS pour divers emplacements des Emirats arabes unis dans la mer d’Oman, les laissant flotter au-dessus des frontières géopolitiques. Le projet a été élargi une décennie plus tard, lors d’une installation pour le Pavillon des Émirats arabes unis, à la Biennale de Venise 2013. Immergé dans une installation vidéo enveloppante représentant la mer, le spectateur est projeté à la dérive avec seulement un ensemble de coordonnées projetées sur le sol pour faciliter l’orientation. « J’ai imaginé cette technique lors d’une sortie de pêche avec mes copains » dit-il. « Nous utilisons le GPS pour la pêche qui est une de mes passions. Et j’ai eu l’idée d’utiliser le GPS dans la peinture. »

Mohammed Kazem ambassadeur de l’art arabe

Véritable ambassadeur de l’art arabe, Kazem a présenté des expositions dans le monde entier, du Musée Guggenheim à New York à l’Institut du Monde Arabe à Paris. C’est un universaliste, aux modèles multiples. « J’ai beaucoup été influencé par les artistes européens » confie-t-il. «Au début de ma carrière, j’étais impressionné par le travail de morphologie des impressionnistes comme Monet. J’ai vraiment admiré aussi le travail de conception des grands artistes français, italiens et allemands. Puis, j’ai évolué. Je me suis concentré sur les éléments dans la peinture. Aujourd’hui, je fais du dessin. Je travaille le papier avec une peinture minimaliste, monochrome. » Kazem n’arrête jamais de créer. « Je  travaille en permanence » dit-il. « Je ne travaille pas en fonction d’une exposition ou d’un événement. » Kazem est absorbé et attiré par l’extérieur. « J’ai besoin du contact avec les éléments de la nature » confirme-t-il. « J’adore œuvrer dans l’environnement notamment en Inde pour m’inspirer des éléments de la vie quotidienne. J’ai alors besoin d’être seul. De m’immerger dans les villes, dans la vie. Je suis inspiré par les lieux et leurs couleurs » Les couleurs de Dubaï, il connaît ! C’est son quotidien. « J’ai été témoin du développement de Dubaï » dit-il. « Je travaille avant que les architectes terminent leur chantier. J’ai vu sortir de terre le Burj Khalifa et toutes les tours. J’ai beaucoup parlé avec les architectes, les photographes. Forcément, cette transformation a marqué mon art. »

Mohammed Kazem est confiant dans l’avenir de l’art arabe. « L’art arabe a été connu très tôt aux États-Unis, à la fin des années soixante-dix » dit-il. « Les États-Unis ont montré l’exemple. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de respect pour le travail de l’Institut du Monde Arabe, de la Fondation Charjah qui donne une véritable chance à de nombreux artistes contemporains arabes. L’art arabe est aussi à l’honneur à Dubaï avec Alserkal Avenue, dans le quartier Al Quoz. Il faut remercier son fondateur et mécène Abdelmomen Alserkal. Il a créé la plateforme la plus créative de Dubaï. Aujourd’hui, l’ambition est de développer l’art populaire. »Quand il n’est pas dans son atelier, Mohammed Kazem est derrière les fourneaux. Il possède une vraie fascination pour la cuisine. « J’adore jouer avec les épices » dit-il. « Je cuisine aussi beaucoup les piments. » Il aime l’automne pour ses couleurs, la Hollande pour l’uniformité de ses saisons, la Corée du Sud pour son agitation. Épris de musique depuis l’enfance – il a même suivi des cours -, il s’évade en écoutant des orchestres de Oud, le mythique instrument à cordes pincées très populaires dans le monde arabe. Aux films, il préfère les documentaires. À l’imaginaire, il préfère le réel.