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Patrick Guerrand-Hermès

Un destin et un nom

Patrick Guerrand-Hermès: Un destin et un nom -- Standing International Magazine

Juin 2023 Par Sarra Essouayeni et Jérôme Lamy, à Asilah (Maroc)

Il porte un nom qui est dans l’histoire de France et dans le cœur des amoureux de la  mode aux quatre coins du monde. Sa simplicité et sa sensibilité sont sa signature et  la clef se ses succès dans le monde des affaires à la tête du Groupe Hermès et dans le sport aux commandes de la Fédération Internationale de polo. Rencontre avec  Patrick Guerrand-Hermès, un homme à qui la vie a beaucoup donné et beaucoup  repris aussi.

Le nom Hermès est une promesse située entre raffinement, délicatesse, distinction et  subtilité. Patrick Guerrand-Hermès, Guerrand du côté du papa Jean-René et Hermès de  celui de la maman Aline – ne se contente pas d’être à la hauteur de ses ambitieuses  espérances. Il les magnifie avec ses yeux d’un bleu intense comme une vie remplie et son  élégance naturelle. Affable et bienveillant, il nous a reçus avec aménité et simplicité  autant de valeurs qui sont celles de la célèbre Maison de couture et d’accessoires de  mode fondée par son arrière-grand-père Thierry, en 1837. A cette époque, la société  Hermès International est spécialisée dans la fabrication de harnais pour chevaux.

Il n’y a pas de hasard. Le cheval est au cœur de la vie de Patrick Guerrand-Hermès. Il  occupe même le premier rôle. Avant d’être un homme de cheval, Patrick est surtout un  enfant de la guerre. Né à Paris, en 1932, issu d’une famille normande, il est forcément  marqué par le premier conflit mondial (1939-1945). « Dire que je suis traumatisé est trop  fort » confie-t-il. « Le temps est passé mais il reste la trouille, les souvenirs des voyages  en troisième classe dans les filets au dessus des wagons, les barres en fer qui vous rentrent dans les côtes, la voix de votre maman qui vous ordonne de vous taire, la crainte  que les Allemands ouvrent la porte sans prévenir. »

Il reste aussi l’anecdote, chez la famille Citroën à Mantes où Patrick et les siens s’étaient réfugiés. «A l’arrivée des Allemands qui voulaient occuper cette belle maison avec piscine et golf, ma maman nous a demandés de prendre des enfants et des peluches dans les bras pour donner l’impression que nous étions 20 à cohabiter alors que nous n’étions que 12. » Les Allemands rebroussent chemin. Et la famille Hermès prend la route de Paris. « Mon père jugeait que c’était moins dangereux… » précise Patrick qui vivra la libération dans la Capitale, Avenue Foch. Il se souvient des tanks de la 2e division blindée et des Parisiens qui ont retourné leur veste du jour au lendemain. « A la Libération, tout le monde était devenu résistant » dit-il. « Alors qu’on savait que celui qui portait un brassard avait mangé du jambon pendant toute la guerre. » 

Patrick Guerrand-Hermès ne mange pas son chapeau. Il n’est ni dupe, ni rancunier. Il préfère mobiliser ses souvenirs autour de la formidable unité de la famille Hermès. « J’ai une pensée pour mes grands-parents qui ont été très aimants, tendres et généreux » confie-t-il. Et se consacrer à sa passion naissante des chevaux qui l’accompagne encore aujourd’hui. Jean-René Guerrand-Hermès n’est pas seulement un parfumeur au talent et au nez reconnus. Il est aussi cadet de l’école de cavalerie de Saumur. Il accompagne son fils au Polo de Paris, chez Aoulette, Avenue de Neuilly. L’entraîneur, qui est aussi celui de la famille Rotschild, l’encourage à monter à cheval avec assiduité pour devenir un bon joueur de polo. Sans doute avait-il en tête la citation de Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni : « Le meilleur classement pour s’ouvrir au monde est un bon classement au polo.» Patrick s’ouvre au monde et à la gastronomie. Après les séances d’équitation, Jean-René Guerrand-Hermès ne rate jamais une occasion de faire une pause chez Jarrase, l’institution de l’Avenue de Madrid, à Neuilliy-sur-Seine, pour déguster un plateau d’huitres avec son fils. 

Patrick-Guerrand Hermès n’est pas encore classé au polo. Mais il croque déjà le monde à pleines dents. C’est une ambition partagée avec ses parents. Il reçoit une éducation protestante. Les valeurs du travail et de l’effort sont un socle indéfectible. Ce n’est pas l’austérité mais cela y ressemble. Il apprend l’anglais à Copenhague au Danemark. Il est diplômé de la mythique université d’Oxford, au nord ouest de Londres. Il traverse l’Allemagne qui n’était encore qu’un champ de ruines. Et rejoint les Etats-Unis en bateau depuis le port de Tunis. Ce ne sera pas une croisière. C’est une galère ! « Mon père m’a fait travailler sur le bateau comme matelot » se souvient-il. « C’était surtout symbolique. Il fallait mériter ce qu’on avait. Il faut aussi se souvenir qu’à la Libération, tout le monde était ruiné, y compris la famille Rotschild. Ils ont dû reconstruire leur empire. En tout cas, mes parents étaient merveilleux. Ma maman m’offrait un amour maternel infini quand mon papa, davantage dans la réflexion, façonnait mon caractère. » 

Arrivé à Miami, au sud de la Floride, Patrick se rend à Dallas en bus avec la classe moyenne américaine. « J’ai grandi sans argent afin que ça ne me monte pas à la tête contrairement aux enfants d’autres grandes familles qui ont toujours vécu dans l’opulence » explique Patrick Guerrand-Hermès. « Nous étions riches en patrimoine mais n’avions pas forcément les poches pleines. Et bien sûr, la guerre n’avait rien arrangé.» L’équipée fantastique américaine entre la Floride et le Texas s’étire sur deux longues journées. Dallas se mérite ! Patrick est accueilli chez un médecin qui avait créé une équipe de polo. Très vite, il joue au milieu des derricks, ces tours en métal soutenant le dispositif de forage d’un puits de pétrole. « Je vivais entre les jambes des chevaux » dit PGH. « Le crottin était du pain bénit. Mon oncle maternel m’a appris la rigueur de l’équitation et le respect du cheval. Je luis dois beaucoup. Durant toute ma vie, j’ai monté à cheval. Aujourd’hui, encore, j’essaye de monter chaque jour. » 

Patrick Guerrand-Hermès rentre à Paris avec la passion du sport équestre chevillé au corps mais avec les poches vides. « Je n’avais pas assez d’argent pour jouer au polo » confesse-t-il. «Je pouvais seulement monter les chevaux d’entraînement à 7h du matin à Chantilly. » Au Jimmy’s, la discothèque parisienne à la mode de sa jeunesse, Patrick a ses habitudes. Il quitte le club du Boulevard Montparnasse à 6h30 précises pour filer à Chantilly. « Avec ma Renault 4, j’ai fait la route tellement de fois entre le Jimmy’s et Chantilly » raconte PGH. « Le trajet durait 28 minutes, pas une de plus. Si j’arrivais à 7h02, je me donnais un blâme. » 

Toujours cette rigueur du monde de l’équitation qu’il trouvait à Bayeux, en Normandie, chez Emeric Couperie-Eiffel, véritable spécialiste du saut d’obstacles ou à Maisons Laffitte, dans les Yvelines, auprès de Jean-François Mathet, l’un des plus grands entraîneurs de chevaux de course au monde. « Je me levais à 5 heures du matin pour aller monter à Bayeux chez la famille Couperie » se souvient Patrick. « Un bourgeois comme moi ne va pas pleurer ou chercher à faire pleurer. J’aurais trop honte. Mais si papa ne vous offre pas la Corvette et le cheval qui va bien, vous faites avec ce que vous avez et avec ce que n’avez pas dépensé en discothèque. Je faisais beaucoup de concours complets. Mais le vainqueur ne gagnait que 222 francs.» 

Sa passion n’a pas de prix. Il a côtoyé les stars du monde équestre. C’est son meilleur salaire. Chez François Mathet, il affiche une proximité avec le mythique jockey Yves Saint-Martin. « C’était un honneur de monter avec le plus grand jockey français » assure Patrick Guerrand-Hermès. Dans le monde du saut d’obstacle, il se lie d’amitié avec le cavalier français le plus talentueux, Marcel Rozier qu’il côtoye sur certains concours. « Patrick était un très bon cavalier, très souple, » avance marcel. «J’étais le moins bon des bons » tempère Patrick.

Leur première rencontre a lieu à Deauville, lors d’une vente aux enchères de Selle français. Le champion conseille un cheval à Patrick Guerrand-Hermès qui fait une offre et remporte la mise. « Le cheval s’appelait Etna » se souvient Marcel Rozier. « Il était fantastique. J’ai même longtemps regretté de ne pas l’avoir acheté. » Il ferra le bonheur de Lionel Guerrand-Hermès, le fils aîné de Patrick, à qui tous les observateurs promettent une grande carrière internationale. Avec sa monture, le jeune cavalier participera aux championnats d’Europe juniors. « Marcel sait détecter la valeur d’un cheval mieux que quiconque » assure PGH. « C’est un grand personnage de l’équitation mondiale. C’est un homme à l’imagination infinie. Je l’ai vu partager mille fois sa connaissance, son expertise. Mais, à l’image des grands cuisiniers, il gardait pour lui le meilleur, le détail qui fait la différence, qui fait gagner une seconde décisive entre les obstacles. La famille Rozier était une famille française, normale, touchante avec la générosité paysanne, la bonté, la tendresse.» 

Patrick et Marcel se croisent à nouveau quelques mois plus tard dans le cadre champêtre du parc du château du Vaudreuil (Eure) où se déroule un concours de saut d’obstacles junior international organisé par Anne Raoul Duval et Patrick Guerrand-Hermès. « La compétition avait rapidement gagné une renommée mondiale » confesse Marcel Rozier. « Patrick est un homme qui agit et parle avec son cœur. L’obstacle sponsorisé par Hermès était magnifique. D’ailleurs, c’est Patrick qui a adossé l’image des sports équestres à la Maison Hermès. » 

Forcément, la vie professionnelle de Patrick Guerrand-Hermès est marquée par la Maison de luxe éponyme qu’il dirige pendant dix ans dans les années quatre-vingt. Son grand père Emile-Maurice Hermès l’avait désigné comme son successeur. « Je n’ai pas su garder la couronne mais j’ai passé dix années passionnantes » livre PGH. « J’ai eu la chance d’appartenir à une famille d’exception experte dans le travail artisanal, les métiers manuels et reconnue au plus haut niveau mondial. » La manufacture de harnais et de selles devient une maison de luxe de la maroquinerie, du prêt-à-porter et de la parfumerie.

Les gendres d’Émile-Maurice Hermès accentuent cette transformation : Jean-René Guerrand, le père de Patrick et Robert Dumas. Le premier développe la branche parfums, alors que le second est l’artisan de la réussite de la maroquinerie et des carrés. Les deux hommes poursuivent le développement de l’entreprise entre qualité assumée et fulgurances créatives. Dans les années 1930, Robert Dumas avait eu le génie de sortir de son chapeau le sac de dames à courroies. À la fin des années 1950, la rumeur répand que Grace Kelly, star de Hollywood devenue princesse de Monaco, aurait été photographiée avec le sac dissimulant les premières rondeurs de sa grossesse. 

Le mythique Kelly d’Hermès est né. C’est Patrick Guerrand-Hermès qui a divulgué cette histoire chic et romantique. « Grace Kelly est une des personnes les plus attachantes que j’ai rencontrée dans ma vie » confie PGH. « Elle était portée par une espèce de charité à l’américaine. Je l’avais invitée à un spectacle de chevaux espagnols au club de l’Etrier à Paris. Elle est venue accompagnée de malades du Centre Hospitalier Princesse Grace. Elle aidait les personnes handicapées à marcher, à 7h du matin. Elle s’impliquait avec la force de la sincérité. Elle était admirable. » 

Sous la présidence de Patrick Guerrand-Hermès, le Groupe connaît un incroyable développement international et se spécialise dans le domaine de la soie. «Nous avons ouvert des boutiques Hermès à Londres, à Tokyo puis aux quatre coins du monde » indique PGH qui passera le relais à son cousin Jean-Louis Dumas. « Il était tellement intelligent, brillant, séduisant, moderne » dit-il. « Je ne voulais pas entrer en conflit ou en concurrence avec lui. » N’empêche, Patrick Guerrand-Hermès pèse toujours de son poids indéniable sur l’évolution du Groupe dans le cadre des assemblées d’actionnaires familiaux. « Je suis évidemment très heureux du développement de la marque » précise Patrick. « Mes neveux sont très respectueux du bien-être de leurs collaborateurs et du respect des traditions familiales. »

Et même si Patrick ne figure plus au conseil d’administration – « C’est moi qui ai imposé la règle de l’obligation d’avoir moins de 70 ans pour participer au conseil d’administration » glisse-t-il -, il est toujours concerné, à l’image de sa maman Aline, qui a été vice-présidente du Conseil de gérance d’Emile Hermès SARL jusqu’à 98 ans. Elle a même animé jusqu’à la fin de ses jours, par sa présence et sa fantaisie, les manifestations du club des anciens d’Hermès qu’elle avait créé. 

Depuis 2012, Patrick Guerrand-Hermès avance sur deux jambes entre la France et le Maroc où il passe neuf mois par an. Le Maroc n’est pas un hasard dans sa vie. C’est son destin. Il fait son service militaire au sein du 4e régiment de spahis marocains, une unité de cavalerie qui dépendait de l’Armée de terre française. Plus tard, à Dallas, il reçoit le Prince Moulay Abdellah, fils cadet de sa majesté le Roi Mohammed V. « J’étais invité à un bal à Washington chez les frères Guess qui sont de grands joueurs de polo » dit avec gourmandise PGH. « Au bout de trente kilomètres, je n’avais plus d’essence et pas assez d’argent pour faire le plein d’essence. J’ai proposé au prince Moulay Abdellah de vendre ses boutons de manchettes en or pour ne pas rester en panne. »

La suite de la journée est tout aussi incroyable. Le bal est garni de grandes personnalités au premier desquelles John Fitzgerald Kennedy, plus jeune président élu des États-Unis. Celui qu’on surnomme Jack est ravi de s’entretenir avec un Prince marocain. « Ils ont passé toute la soirée ensemble » se remémore Patrick. « Kennedy a posé beaucoup de questions sur la colonisation des pays africains. Dans la plus pure tradition américaine, il était opposé à toute influence d’un pays sur un autre. Le Prince Moulay Abdellah m’a dit plus tard avoir vécu une des plus belles soirées de sa vie. » 

A son retour au Maroc, le Prince raconte par le menu détail son incroyable périple aux Etats-Unis à son frère, Sa Majesté Hassan II. « J’ai alors été convié à toutes les manifestations organisées par le Palais Royal » confie Patrick Guerrand-Hermès qui fera visiter les ateliers Hermès du Faubourg Saint-Honoré, à la demande du Souverain, au jeune Prince Mohammed VI. « Le Maroc m’a offert de grandes histoires d’amitié » confie Patrick. Il mentionnera, les larmes aux yeux dans un moment figé d’émotion non feinte, la princesse Lalla Fatima Zohra, fille aînée du Roi Mohammed V et le Premier Ministre Abdellatif Filali (1994-1998). « Il venait se réfugier chez moi, il me disait tout, je ne répétais rien » assure Patrick. Il citera aussi le cavalier Hamid Abdelhamid. « Il connaissait les chevaux comme personne au monde » dit-il avec admiration.

Il finit par s’installer au Maroc avec son épouse Martine Borgeaud. Le couple réaménage l’Aïn Kassimou à Marrakech dans les années 1980, une villa construite pour la fille de Léon Tolstoï. Pour la décoration, Il assouvit sa passion pour les arts orientaux. Surtout, la maison est l’endroit idoine pour les visites officielles. « Le Palais Royal Royal nous utilisait comme une salle à manger bis pour le 2e jour des visites des personnalités politiques » confirme PGH qui se souvient de la bonhomie de Jacques Chirac et du snobisme de Valéry Giscard d’Estaing. « C’était une période très vivante, plus amusante qu’un comptoir à Deauville. » 

Et infiniment moins captivante qu’un match de polo : Patrick Guerrand-Hermès installe deux terrains dans le domaine de Marrakech séparés par un mur en terre que son fils Mathias saute allègrement. « Il a inventé le jumping polo » sourit PGH. Sa Majesté est un visiteur régulier : il passe par la porte de derrière. Les enfants du village sont aux anges : la distribution de coca-cola est gratuite. Ils admirent leur idole, le talentueux Mathias Guerrand-Hermès et scandent régulièrement son nom. « A Marrakech, nous avons réussi à créer du lien social et intéresser les enfants des villages avoisinants » se félicite PGH. « A Asilah, c’est beaucoup plus dur… » 

Quand il décide de vendre la villa de Marrakech et de quitter la Ville ocre, Patrick Guerrand-Hermès opte pour le Nord du Maroc. « Sa Majesté Hassan II ne m’a pas laissé le choix » sourit-il. « Il m’a demandé de m’installer à Larache où il déplaçait ses chevaux l’été. » Lors d’un atterrissage à l’aéroport de Tanger, PGH découvre une plage déserte. C’est là, au milieu de nulle part, dans ce temple du silence, qu’il bâtit le PGH Palmeraie Polo Club, à Rehouna, face à l’Océan Atlantique, entre Asilah et Larache. Et place la région de Tanger sur la carte mondiale du polo. Entre plages de sable blanc, dunes et paysages exotiques, le domaine compte trois terrains de polo, une piste d’entrainement quotidienne, un club house, des paddocks… « Ce club ressemble à Patrick » dit Marcel Rozier qui a assisté à l’inauguration des lieux, en 2018. « Il ne cherche pas à en mettre plein les yeux, il exprime simplement sa passion. » 

Un tropisme pour le polo qui le porte à la présidence de la Fédération Internationale de Polo (FIP) entre 2000 à 2009. A Beverly Hills, aux portes de Los Angeles, siège de la FIP, Patrick Guerrand-Hermès affronte des tempêtes au quotidien. « Durant neuf ans, j’ai rencontré des jalousies que je n’avais jamais connues ailleurs » lâche PGH. « La Fédération américaine de polo avait pris ombrage de notre politique offensive pour le développement international du polo. Même dans le monde des affaires avec la maison Hermès, je n’avais vécu une telle course aux responsabilités. Pourtant, l’idée, ce n’est pas de servir mais de servir son sport.»

Cela ne l’empêche pas de réussir l’organisation du Championnat du Monde de Polo 2004 au Polo Club du Domaine du Château de Chantilly dont il préside aux destinées depuis le début des années 1970. Les vieux joueurs de polo sont têtus… Avec son histoire – Louis XVI a organisé à Chantilly la première course de chevaux pur-sang -, son emplacement unique, ses dix terrains de polo, ses 300 joueurs et ses 4 000 chevaux à l’entraînement, le club n’a rien à envier à Palermo, le célèbre club de Buenos Aires ou au Guards Polo Club, situé dans le parc du château de Windsor, à l’ouest de Londres. Surtout, Patrick Guerrand-Hermès parvient à casser l’ancrage régional du polo pour lui offrir une visibilité mondiale. « L’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis sont devenus les nouveaux berceaux du polo » se réjouit ce grand dirigeant. « La passion des pays du Moyen-Orient pour notre sport est une grande nouvelle. C’est une note d’espoir pour que le polo survive car c’est très compliqué de mobiliser le public. A ces pays de créer des événements comme la finale de l’Open de Palermo à Buenos Aires. » 

Aux Emirats arabes unis, Patrick Guerrand-Hermès est en terrain connu. Durant son mandat à la tête de la FIP, il assiste chaque année, à Abu Dhabi, à l’assemblée générale de la fédération émirienne présidée par le Sheikh Falah Bin Zayed. Il est également familier de Dubaï qu’il a visité pour la première fois en… 1958 ! A l’époque, Dubaï est une ville modeste dont le mode de vie traditionnel repose sur l’élevage du bétail, la récolte de dattes et la pêche aux perles. « Il y a avait deux immeubles, un immeuble de quatre étages, l’autre de trois étages » rappelle PGH. « Je suis allé à Dubaï pour acheter des bracelets en or pour notre gamme de bijoux. Il y avait une crise de l’or en Europe. » Il reviendra pour de nombreux séjours, fera des rencontres et nouera des amitiés, notamment celle d’Ali Albwardy, rencontré en 1958. « Ali est propriétaire du Dubai Polo Country Club, qui accueille chaque année le Cartier International Polo Challenge » précise Patrick. « C’était aussi un joueur professionnel au talent et au charisme remarquables. » Et forcément, PGH n’est pas insensible au succès phénoménal de la boutique Hermès, au Dubaï Mall.

En tout cas, ce n’est pas son expérience à la tête de la Fédération Internationale de Polo qui lui donne des regrets de s’être tenu éloigné de la politique malgré les sollicitations de l’ancien président de la République Georges Pompidou. « J’ai sans doute été sollicité pour mon nom, mon réseau et mon influence » atteste Patrick Guerrand-Hermès. « Il faut savoir que le monde était un monde en miniature. A New-York, 7000 personnes faisaient bouger la ville, à Paris 3000 et à Rabat 200. Naturellement, j’en connaissais beaucoup. » En France, il tutoie 80% du gouvernement. « Les autres sont ceux que je n’aimais pas » lance celui qui ne cache pas son admiration pour le Président De Gaulle. Sa grand-mère Julie Hollande, grande résistante, était une des plus ferventes supportrices du Général. Julie et Patrick iront à Cannes, en 1958, assister à un meeting du candidat à l’élection présidentielle. Et comme le Général raffolait de la tradition de la Maison Hermès en général et de son carré en soie en particulier, le respect était profond. 

Aux joutes politiques, Patrick Guerrand-Hermès préfère le sport. Au lendemain de ses 90 printemps, il ne s’en plaint pas… « Une vie sous le signe du sport garantit un meilleur équilibre pour conserver la santé » certifie-t-il. « Si à 90 ans, je suis encore là à pérorer, c’est sans doute grâce à cette discipline, cette hygiène de vie. On fait attention à ce qu’on mange, on oublie le dernier verre. Ce ne sont pas ders sacrifices, cela se fait naturellement naturellement. »

Comme la mort. Dont il n’a pas peur. Même si elle a été trop présente dans son existence lui volant l’amour de deux fils, le pire des drames pour un papa. Une double blessure au fer rouge: Lionel victime d’un tragique accident de la route à 18 ans et Mathias, injustement disparu à la suite d’une crise cardiaque à 38 ans. Une double tragédie à vif qui jamais ne s’apaise. « Vous êtes le premier à me poser la question » avoue-t-il. « Je vous remercie d’aborder le sujet. Cette question est fondamentale. Non, je n’ai pas peur de la mort. Elle rode, elle n’est pas loin. Elle m’a déjà fait signe. J’ai perdu deux enfants et une petite-fille. Je suis protestant. Je suis croyant mais je me pose des questions. Je crois à la similarité des religions. Je vis avec des musulmans qui font la prière cinq fois par jour. Ça fait d’eux de meilleurs humains. J’ai vécu une amitié absolue avec Abdellatif Filali. Nous étions tellement proches. Il aurait fallu être mal intentionné pour trouver un conflit spirituel entre nous. » 

A l’heure du dernier voyage, il en appellera à la tradition. C’est l’histoire de sa vie. « La vieille église des grands-parents sera parfaite. Je n’imagine pas forcément un service, seulement de la musique cantique. Au moins, je ne pourrai pas dire de conneries. »